Armaguedin

Une droite mystique et anti-étatique gagne du terrain dans la tech.

Peter Thiel, multi-milliardaire libertarien, financier mondial de l'IA, la défense et du big data, donne des conférences sur la fin des temps en plein cœur de la Silicon Valley. Il y expose sa lecture biblique d’un futur apocalyptique, où la peur des technologies mènerait à l’émergence d’un Antéchrist charismatique et autoritaire. Réguler l’innovation reviendrait, selon lui, à lui ouvrir la voie.

Pas d’IA sans preuve.

Peter Thiel n’entre jamais seul dans une pièce. Il arrive avec ses entreprises, ses deals, ses récits. PayPal comme matrice, Facebook comme tremplin, Palantir comme bras armé. Investisseur précoce, stratège politique, président d’une société qui équipe l’État. Conservateur, ouvertement gay, allié d’un temps de Trump, il brouille les lignes pour mieux tracer les siennes. Et quand il parle aujourd’hui d’Antéchrist pour fustiger la régulation de l’IA, ce n’est pas une provocation gratuite, c’est une clé rhétorique pour verrouiller la porte derrière lui.

Thiel sait attraper l’époque par la manche. Il transforme un débat technique en duel moral. D’un côté, le progrès libéré. De l’autre, le soupçon, l’entrave, la tiédeur bureaucratique. Il ne discute pas des journaux d’événements, des tests adversariaux, de l’explicabilité mesurable. Il invoque le Mal absolu. Et pendant que nous déplions la métaphore, l’IA s’insère, au cœur de l’État, dans la chaîne décisionnelle de la sécurité, des frontières, de la défense. Palantir agrège, corrèle, projette, recommande. Ce ne sont pas des diapositives, ce sont des ordres d’opération. Ce n’est plus une démo.

Il y a de la virtuosité, oui. Thiel connaît l’ingénierie du capital, la mécanique du pouvoir et la grammaire du mythe. Il a déjà prouvé qu’un bon récit protège mieux qu’une armée d’avocats. La “PayPal Mafia” a irrigué toute la vallée. Un chèque chez Facebook a posé un pied dans l’histoire. Palantir a grandi avec l’argent public, In-Q-Tel en berceau, et des contrats où l’IA ne joue plus au laboratoire. Ce n’est pas un “VC de salon”, c’est un architecte de systèmes qui pèsent sur des vies.

Alors oui, rire d’“Antéchrist” est un luxe que la vitesse ne nous laisse pas. Cette imagerie mobilise. Elle sanctifie la dérégulation, elle diabolise l’audit. Entre la planification militaire augmentée, la gestion automatisée des frontières et la reconnaissance faciale de masse, l’IA s’installe là où la preuve devrait précéder la puissance. Elle repeint l’exigence de preuves en sabordage moral. Elle transforme la responsabilité en trahison. Or l’IA n’est pas une révélation, c’est une infrastructure. Une infrastructure s’autorise par la preuve : preuve de robustesse, preuve de traçabilité, preuve d’arrêt d’urgence. Tout le reste est storytelling.

Le récit change, la règle non. Pas d’IA sans preuve.

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