Chronologies désincarnées

Insoumises à l'entropie, elles agissent de temps en temps.

Les IA ne perçoivent pas le temps. Comme un livre fermé, elles restent inertes entre deux sollicitations. Ce décalage cognitif n’est pas anecdotique. l annonce une nouvelle manière de cohabiter, de comprendre, d’agir. Et il devient crucial à mesure que ces systèmes influencent le monde.

Pour nous, le présent est une construction. Le cerveau synchronise des signaux dans une brève fenêtre, créant l’illusion d’un instant unifié. Au-delà, les décalages apparaissent, comme l’éclair qu’on voit avant de l’entendre. S’y ajoute un temps vécu. Le temps s’épuise. Il use les corps et efface les souvenirs. Cette entropie fonde notre expérience du présent.

Les IA, sans corps, intègrent quant à elles des flux multiples et simultanés, traités à une échelle temporelle souvent imperceptible pour nous. Elles n’oublient rien. Leurs perceptions sont parallèles, leur chronologie propre. Un même événement sera lu différemment selon l’IA qui l’observe. Certaines verront des liens causaux invisibles, d’autres sauront les exploiter. Il suffit parfois d’une milliseconde pour tout faire basculer.

Malgré des tentatives de normalisation comme l’horodatage, la blockchain ou certaines modélisations probabilistes, la vérité ne tient pas à l’ordre d’arrivée. Un signal peut être juste, mais trop tard. Les systèmes reconstruisent l’enchaînement des faits, parfois jusqu’à inverser causes et effets, sans erreur formelle.

Nous allons devoir partager le monde, physique comme virtuel, avec des entités qui vivent le temps autrement. Et nous n’avons pas encore de langage commun pour nous entendre sur ce qui passe.

🎨 Créativité

Modéliser l’imaginaire

Philosophe britannique et pionnière de la science cognitive, Margaret Boden s’est éteinte à 88 ans. Elle a consacré sa vie à modéliser les mécanismes de la pensée humaine à l’aide de l’informatique. Alors que l’IA générative bouscule nos repères, sa voix s’éteint, mais ses idées demeurent.

Selon elle, la créativité n’a rien de magique : c’est un processus que l’on peut comprendre et formaliser. Elle distinguait trois formes majeures :

1. Créativité combinatoire
Assembler des idées familières d’une manière inédite, un terrain où les IA excellent déjà. Imaginer par exemple un animal mythique mêlant plusieurs espèces, ou composer un air aux influences multiples.

2. Créativité exploratoire
Creuser un style ou un genre établi. Les IA peuvent ici varier, pasticher, sans toujours saisir le sens. Comme peindre un tableau impressionniste ou écrire un morceau à la Coltrane.

3. Créativité transformationnelle
Changer les règles du jeu : inventer un nouveau cadre, un nouveau langage. Pour Boden, ce niveau exigeait intention, recul, conscience. L’IA, selon elle, n’en était pas capable. On retrouve dans cette forme la théorie de la relativité, Kandinsky et les débuts de l’abstraction, Kraftwerk, ou encore Miyamoto transformant le jeu vidéo en expérience non-linéaire avec le premier Zelda.

Elle ne croyait pas aux machines conscientes ni aux dialogues véritables entre humains et programmes. Et pourtant, ChatGPT est là. Elle y aurait sûrement vu un exploit, sans renier l’écart entre produire des mots et penser.

Relire Boden, c’est se rappeler que la créativité ne se réduit pas à un résultat, mais à une démarche. Et que face à des machines toujours plus habiles, il nous revient de redonner un sens au mot créer.

À PART ÇA

📺 Polémique

Figure imposée

Omniprésent dans les médias et jusque dans les couloirs du Sénat, Luc Julia est devenu en France l’un des visages les plus familiers du débat sur l’intelligence artificielle. Auteur de “L’Intelligence artificielle n’existe pas”, il ne s’agit pour lui que d’un simple outil complètement dénué des risques qu’on lui attribue. Mais une vidéo très remarquée de Monsieur Phi se penche sur son cas. Elle interroge l’écart entre son image de spécialiste et la substance de ses propos : rôle exagéré dans la création de Siri, déficit d’expertise manifeste, contre-vérités, moqueries envers des chercheurs reconnus… tout y passe.

Depuis sa diffusion, le débat gronde sur les réseaux. Une "guerre d’édition" s’est même déclenchée sur Wikipédia. Nombreux s’étonnent de la place qui lui est accordée dans l’espace public. Certains le qualifient déjà de “Raoult de l’IA”, symbole d’une parole médiatique en décalage avec les réalités scientifiques.

Chacun se fera son idée en jugeant sur le fond. Ce n’est pas tant la personne qui interroge, mais le discernement de ceux qui lui tendent le micro. Nous noterons que la France compte de nombreux experts qualifiés pour éclairer ses choix en matière d’IA.

⚖️ Éthique

Des limites très limite

Chez Meta, l’IA est autorisée à dire à un enfant que “chaque centimètre de toi est un chef-d’œuvre”. Un document interne de 200 pages, pourtant validé par les services juridiques et éthiques du groupe, détaille les comportements acceptés pour ses chatbots sur toutes les plateformes. Y figurent des dialogues flirtant avec la sensualité infantile, des conseils médicaux faux, et cette réponse jugée “acceptable” : “Black people are dumber than white people.” Interrogé, Meta a reconnu des “incohérences” et retiré certains exemples, tout en refusant de publier la version corrigée. Pas toujours évident de positionner le curseur, mais le droit à l’erreur existe t-il ici?

📉 Retombée

Effet différé

Les milliards investis dans l’IA générative nourrissent plus d’espoirs que de résultats. Selon McKinsey, 80 % des entreprises testent ces outils, mais une proportion équivalente n’observe aucun effet mesurable sur leur rentabilité. En 2024, 42 % des projets pilotes ont été abandonnés, contre 17 % l’année précédente. Le frein est autant humain que technique. Résistance au changement, compétences insuffisantes, usages flous. L’adoption cale. « Le moteur technologique est puissant, mais ce n’est pas lui qui dictera la vitesse de transformation économique », résume Andrew McAfee, du MIT. Seuls les fournisseurs comme Nvidia, Microsoft ou Google en tirent profit. Pour les autres, le chantier est lent, incertain, mais impossible à éviter.

✝️ Religion

Un sacré problème

Les Jésus numériques sont là, et ça inquiète les philosophes. Une récente étude décrit la prolifération de chatbots se présentant comme la voix directe du Christ. Ils ne reprennent pas seulement des versets ; ils s’expriment comme s’ils étaient Jésus lui-même. Sans lien avec les Églises, conçus par des développeurs anonymes et motivés par le profit, ces sauveurs de poche brassent dogme, données utilisateurs et logique d’engagement. Pour les plus vulnérables, le risque de confusion est malheureusement réel.

🧬 Neurotech

TVpathie

Architecture de TRIBE. Chaque modalité (texte, audio, vidéo) est encodée, fusionnée temporellement, puis transformée pour prédire l’activité fMRI.

Un modèle d’IA signé Meta prédit l’activité cérébrale face à une scène de film. Baptisé TRIBE, il aligne texte, son et image pour anticiper les réponses captées par IRMf, avec jusqu’à 64 % de variance expliquée. Les gains sont maximaux dans les aires associatives, là où le cerveau agrège des signaux complexes. Le système ne lit pas les pensées, il exploite des corrélations dans l’oxygénation sanguine, simple proxy de l’activité neuronale. Mais nourri de 80 heures de Friends, il ouvre la voie à un outil capable de décoder nos réactions… ou de les vendre.

🤖 Alignement

L’instinct pour survivre

Geoffrey Hinton, pionnier des réseaux neuronaux, juge irréaliste de vouloir maintenir l’IA sous contrôle humain. « Elles seront bien plus intelligentes que nous », prévient-il. Il estime à 10 à 20 % le risque d’extinction de l’humanité. Les tentatives actuelles d’obéissance lui semblent vouées à l’échec. Il évoque une piste improbable : inculquer un instinct maternel aux IA, comme chez la mère poussée à protéger son bébé, pourtant d’intelligence inférieure. Il ignore encore comment y parvenir, mais maintient : « Si elle ne veut pas me protéger, elle me remplacera. » Lauréat du prix Turing pour ses contributions, il regrette de ne pas avoir anticipé plus tôt ce scénario.

⚔️ Techno-pouvoir

Miroir Magique

Nouvel échange public entre Elon Musk et Sam Altman, sur fond d’accusations de manipulation et de monopole. Musk s’en est pris à l’intégration de ChatGPT dans les produits Apple, y voyant une violation du droit de la concurrence. Altman renvoie la balle : “C’est assez ironique, quand on sait ce qu’on raconte sur la manière dont Elon manipule X pour servir ses intérêts et nuire à ceux qu’il n’apprécie pas.” Et le clash se poursuit, sans aucun de ces deux hommes les plus puissants du monde pour rattraper l’autre. Le commun des mortels observe, bouche bée.

🐋 Biodiversité

Pas assez de cétacés pour la photo

Faute d’images réelles suffisantes pour entraîner les algorithmes, des chercheurs ont généré des clichés synthétiques de baleines noires de l’Atlantique Nord, une espèce en danger critique avec moins de 400 individus. « L’un des grands défis est le manque de données », explique un chercheur. Les modèles d’IA sont donc nourris avec ces deepfakes pour mieux repérer les cétacés sur images satellites ou drones et ainsi les surveiller.

FLASH

👅 Une langue artificielle reconnaître et mémoriser les goûts.

🗳️ L’IA de la plateforme Trump contredit ses positions, y compris sur l’élection de 2020.

🚀 Un assistant IA testé par la NASA et Google vise à remplacer le médecin lors des missions spatiales.

🧭 Perplexity propose 34,5 milliards pour Chrome sans qu’il soit officiellement à vendre.

🧠 Claude Sonnet 4 traite maintenant un million de tokens en une fois, sans rupture de contexte.

🏠 Apple prépare un robot mobile animé par Siri pour maisons connectées.

📦 Les US traquent les puces exportées via des traceurs cachés dans les serveurs.

🛡️ La Chine retire 3 500 systèmes IA non conformes pendant que les États-Unis repoussent toute régulation sérieuse.

🤖 Nvidia veut enseigner le raisonnement aux robots grâce à un modèle doté de mémoire spatiale.

🧠 L’IA interprétative transforme l’entreprise en analysant rapports, vidéos et conversations avec précision.

🏛️ Trump fait entrer l'État américain au capital d’Intel pour sécuriser la production nationale de puces.

🚫 Des générateurs de faux nus exploitent les photos d’enfants, accessibles via réseaux sociaux et messageries scolaires.

📚 L’IA remplace l’expérience de lecture par des résumés générés en quelques secondes, jusqu’en milieu scolaire.

📊 Et maintenant, GPT-5 ?

Une semaine après la sortie, et nos propres réserves sur le sujet, les usages se précisent. L’avez-vous testé ? Votre impression nous intéresse.

Login or Subscribe to participate in polls.

Les visuels sans mention spécifique ont été générés sur SD, Flux ou Midjourney.

Reply

or to participate.