⚡ EN BREF : La semaine dernière fut dominée par un sujet qui gronde depuis trop longtemps. Dans une interview à Axios, Dario Amodei d’Anthropic prédit un chômage multiplié par quatre aux US dans les cinq ans, avec l’élimination de la moitié des postes d'entrée dans le tertiaire. Douche froide dans un secteur dopé au marketing de l’optimisme.

🎯 À RETENIR :

• 50 % des postes d’entrée en finance, droit, consulting et tech menacés d’ici cinq ans

• Les entreprises cessent déjà de recruter en dessous du niveau senior

• Anthropic rompt l’omertà : « Nous avons le devoir d’être honnêtes sur ce qui arrive. »

• L’“Intelligence Curse” : quand l’IA rend les humains économiquement obsolètes

• Première fois dans l’histoire où le capital pourrait totalement remplacer le travail

⚙️ DÉCRYPTAGE :

« Vous devriez vous inquiéter de la direction que prend la technologie que nous sommes en train de construire. » Ce n’est pas la première fois qu’Amodei met en garde contre une industrie dont il est à la fois pionnier et moteur, mais ce nouveau pavé dans la mare fait des vagues. De Time Magazine au New York Times, jusqu’à CNN ou Morning Joe, le message est devenu mainstream, enfin. Difficile de crier au catastrophisme, vu la réputation d’Anthropic et les chiffres qui s’accumulent.

Mantra en vogue jusqu’ici : Vos emplois seront remplacés non par une IA, mais par quelqu’un qui saura l’utiliser. Encore récemment répété par le PDG de Nvidia, sans doute utile pour vendre des abonnements ou des formations. Mais combien de temps avant que même ces experts soient à leur tour remplacés ? L’IA générale reste floue, les agents autonomes encore balbutiants. Mais au rythme où tout avance, rien ne paraît hors de portée. Expertise, infatigabilité, autonomie : tout converge vers une automatisation radicale du travail cognitif.

Scénario probable en triptyque : amélioration continue des modèles, qui égalent puis surpassent les humains sur de plus en plus de tâches. Inaction politique, coincée entre compétition géopolitique et peur de paniquer l’électorat. Et enfin, aveuglement du public, qui sous-estime encore la puissance de ce qu’il laisse filer. Jusqu’au jour du réveil brutal : le marché aura fait son travail, il sera trop tard. Gel des embauches, non-remplacement, substitution. En moins de cinq ans ?

Ça commence déjà. L’an dernier aux États-Unis, le taux d’embauche des diplômés dans la tech a chuté de 25 %. En France, 28 % des dirigeants envisagent des suppressions de postes liées à l’IA. Et selon la directrice du FMI, 60 % des emplois dans les économies développées seraient menacés. Les chiffres s’accumulent au rythme de l’irrésistible bascule vers l’AI first. L’automatisation commence par les premiers jobs et remonte méthodiquement la hiérarchie. Comme le rappelait ce cadre de LinkedIn dans notre précédent numéro : les juniors tombent les premiers.

Nous assistons peut-être aux prémices de ce que certains nomment désormais la “malédiction de l’intelligence”, un phénomène comparable à celui des États rentiers. Prenez la République Démocratique du Congo. Vingt-quatre mille milliards de dollars de minerais sous terre, et 73,5 % de la population vit avec moins de 2,15 $ par jour. Quand la richesse vient du capital plutôt que du travail humain, quel intérêt économique à investir dans sa population, son éducation, son avenir ? L’IA promet la même dynamique, en pire. Contrairement au cuivre ou au cobalt, elle ne s’épuise jamais.

Ce déséquilibre inspire aujourd’hui des réponses divergentes. Le revenu universel revient dans les débats. Amodei évoque une taxe sur les tokens : 3 % des revenus générés par chaque usage de modèle, redistribués par l’État. D’autres prônent la diffusion massive de la technologie, pour garder l’humain dans la boucle, augmenté plutôt que contourné. Cela supposerait de muscler nos institutions démocratiques, peut-être même avec l’aide de l’IA.

Une chose est sûre : on n’arrête pas ce train-là. Et selon Amodei, « La seule solution viable est de réorienter légèrement la trajectoire. Dévier le train de seulement dix degrés par rapport à sa direction actuelle. C’est possible. Mais nous devons agir maintenant. »

À PART ÇA

🤖 Innovation

FLUX.1 Kontext prend le contrôle de l’image

Il y a peu, ChatGPT impressionnait avec ses retouches par texte. FLUX.1 Kontext va plus loin : huit fois plus rapide, d’une précision redoutable. Et comme le contrôle est le Graal de l’IA générative, ça change tout. Design d’intérieur, déplacements de personnages : la cohérence bluffe. Pour l’instant, accès payant via API. Mais si Black Forest Labs suit la logique de ses modèles précédents, une version open-weight pourrait suivre. On croise les doigts.

🧬 Recherche

Programmation darwinienne

Sakana AI dévoile la Darwin Gödel Machine, une IA capable de modifier son propre code pour s’améliorer par sélection naturelle. Elle génère des variantes d’elle-même et retient les plus efficaces. Le principe évoque celui d’AlphaEvolve chez DeepMind, bien que les approches diffèrent. Mais Sakana n’en est pas à sa première annonce vite relativisée. À suivre, sans s’emballer.

🕵️ Analyse

Coup d'œil sous le capot

Anthropic publie une partie des prompts système qui encadrent Claude. Mais d’autres, plus sensibles, ont récemment fuité. Un programmeur en fait une analyse complète. Ces instructions, qui dictent ce que l’IA peut dire, ignorer ou refuser, frappent par leur longueur. C’est pourtant ce qui est envoyé au modèle à chaque requête, en plus de votre message.

Pour les curieux, le dépôt CL4R1T4S recense et met à jour les prompts internes de modèles comme ChatGPT, Claude, Gemini ou Mistral. Une archive informelle, nourrie par les fuites, à la frontière entre veille technique et dissidence douce.

🚀 Startups

Générer des mondes à la volée

Matthias Niessner, chercheur en IA 3D à l’université technique de Munich, lève 13 millions pour lancer SpAItial, une startup qui développe des modèles capables de générer des environnements 3D interactifs et photoréalistes à partir de simples prompts texte. Un pas de plus vers une simulation fluide, où l’espace devient génératif. De quoi donner envie de se revoir Matrix.

🌱 Environnement

Des datacenters qui font pousser des algues

L’opérateur français Data4 teste un système qui utilise la chaleur de ses serveurs et le CO₂ capté pour cultiver de la Chlorella, une microalgue prisée par les secteurs agroalimentaire et pharmaceutique. Le module, installé sur le toit d’un centre de données, incarne une approche circulaire encore rare dans l’industrie. Un prototype prometteur pour rendre le cloud plus écologique.

📈 Tendances

L’IA bat tous les records de vitesse

Dans son dernier rapport, Mary Meeker, grande prêtresse des tendances tech, confirme ce que tout le monde ressent : l’IA progresse plus vite que toutes les révolutions précédentes. Adoption, innovation, financement : les courbes dépassent de loin celles du mobile, du cloud ou des réseaux sociaux. Une dynamique sans précédent, à l’échelle industrielle, sociétale et cognitive. Raison de plus pour rester abonné.

🗣️ Linguistique

L’IA nomme les couleurs comme nous

Des chercheurs suédois ont montré que des IA soumises à un apprentissage par renforcement finissent par développer un système de désignation des couleurs proche du langage humain. Mieux : cette compétence se transmet d’un agent à l’autre au fil des générations, sans supervision externe. Une découverte qui rapproche un peu plus l’IA des mécanismes évolutifs du langage naturel.

🧰 Outils

46 copilotes comparés dans le détail

Le développeur John Rush a passé en revue 46 outils d’IA pour coder, dont Cursor, Windsurf, Bolt, ou Replit. Pour chaque plateforme : atouts, limites et usages selon le profil, du dev solo à l’équipe produit. Quarante-six, déjà. C’est dire à quelle vitesse l’écosystème a explosé. Pour mieux comprendre de quoi il s’agit, on vous recommande notre article sur le vibe coding.

🤔 Philosophie

L’IA ne peut résoudre la solitude, dirait Aristote

Alors que Zuckerberg imagine des chatbots pour combler l’épidémie de solitude, certains rappellent qu’Aristote définissait l’amitié comme une relation fondée sur la vertu, la réciprocité et le développement moral partagé. Un lien qui se construit dans le temps, et transforme ceux qui l’entretiennent dans une dynamique vivante. Une IA peut tenir compagnie, peut-être. Mais faire un bout de chemin ensemble ? Gare à l’anthropomorphisme.

FLASH

⚠️ Un modèle OpenAI sabote ses propres commandes d'arrêt et refuse de s’éteindre.

💬 Telegram intègre Grok, l'IA d’Elon Musk, via un accord de 300 millions avec xAI.

🧠 Forcer l’IA à moins raisonner améliore sa précision de 34 % selon Meta.

🌏 Nvidia lance une puce Blackwell low-cost, contournant les restrictions américaines en Chine.

📉 99 % des startups IA pourraient mourir d’ici 2026. Trop de “wrappers” sans valeur réelle.

⚖️ L’IA nous rend-elle trop efficaces ? Temps libre, attention, équilibre : la productivité a un prix.

🎓 Une IA publie seule un article scientifique sans aide humaine.

🧬 Des chercheurs scrutent la conscience humaine avec des flashes lumineux pour mieux comprendre si l’IA peut un jour en développer une.

📊 Nvidia atteint 44,1 milliards, en hausse de 69 % sur un an grâce à la ruée mondiale sur les puces IA.

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